mardi 5 juillet 2011

Tristane Banon en 2003 : « je l'ai harcelé, même ; je le voulais... »

Inédit : Quand Tristane Banon racontait ses fameux rendez-vous avec DSK

Dans l’édition réactualisée de sa biographie « le Roman vrai de Dominique Strauss-Kahn », qui sort demain aux Editions du Moment, le journaliste Michel Taubmann cite plusieurs passages d’un chapitre du livre « Erreurs avouées » écrit par Tristane Banon en novembre 2003. Un chapitre retiré à l’époque par l’éditeur sous la pression de l’entourage de DSK.
En exclusivité, voici des extraits d'Erreurs avouées, de Tristane Banon... elle-même !

Je n'ai rien vu venir, je l'ai harcelé, même ; je le voulais, ce rendez-vous. Après quatre appels sur son portable en trois jours, il a cédé. La date est fixée - le 5 février, dans son bureau de l'Assemblée nationale. Dominique Strauss-Kahn est un multirécidiviste de la responsabilité publique: député du Val d'Oise, membre de la commission des Affaires étrangères des groupes d'amitié avec l'Allemagne, l'Arménie, la Chine, les Etats-Unis, Israël, le Maroc et le Viêt-nam, et professeur d'université.

Après avoir vu Séguéla, je voulais que mon entreprise de dissection de l'objet d'étude "Erreur" s'arrête sur un politique, je n'aurais peut-être pas dû.

L'animal politique est une bête traquée. La peur du mot de trop, de la parole en l'air que retiendra un canard à scandales (pour rester dans le registre animal), le pousse a des réactions étonnantes (j'y reviendrai).

Avez-vous déjà observé un agent immobilier ? Terminé le discours pesant sur la bonne orientation et "cette merveilleuse hauteur sous plafond", il se tait. On passe souvent du moulin à paroles au voeu de silence. L'homme est toujours rassuré par les sujets qu'il maîtrise. Dominique Strauss-Kahn, c'est un peu pareil. Sorti du discours politique galvaudé, la peur de la récupération médiatique le handicape.

Mais l'histoire ne commence pas là.

Je suis anxieuse. Arrivée à l'accueil de l'Assemblée nationale à 10 h 45; trois quarts d'heure plus tard, j'attends toujours.

Je refuse de me décourager. Tandis que je l'attends, je me pose encore de nombreuses questions: un élu du peuple a-t-il droit aux erreurs? Comment les analyse t-il ? Lui qui fut mis en cause dans le cadre de l'instruction sur la MNEF et qui a égaré la cassette Méry.

On finit tout de même par m'inviter à monter: ascenseur de gauche, troisième étage, bureau 6847-6848.

Assis à son bureau, il m'attend. Plutôt chaleureux.

- Bonjour!

Il me fait entrer, marmonne quelques civilités et me fixe. Visiblement, si la langue n'est pas encore de bois, le regard est déjà de braise.

J'attaque:

- Alors, monsieur DSK, pour vous, l'erreur, qu'est-ce que c'est?

Il réfléchit un instant puis, comme un automate, se met en route:

- L'erreur est générale et fréquente. Lorsqu'on dit qu'elle est humaine, cela peut avoir deux sens. Un sens banal: tout homme, toute femme, fait des erreurs... Un sens plus complexe: c'est l'erreur elle-même qui rend humain! Etre faillible prouve que nous ne sommes pas des machines.

Je le regarde droit dans les yeux:

- Si vous êtes si humain que ça, pourquoi avoir choisi la politique où la moindre erreur peut vous être fatale! Où tout n'est que mécanique de guerre?

Posément, il me répond.

- Les gens qui ont réussi leur vie professionnelle sont souvent considérés par les autres comme des machines. On pense que tout leur réussit alors que c'est faux. Et quand enfin ils commettent une bourde, on prend conscience que tout ne leur réussit pas forcément. Paradoxalement, ça rassure, ça humanise. Pour ma part, je n'aime pas cette idée qu'on puisse me prendre pour un automate, c'est vraiment désagréable!

Je glisse sur la remarque (me visait-elle?) et enchaîne: 

- C'est maintenant au professeur que je m'adresse: qu'est-ce qu'une erreur?

Ton docte:

- Une erreur, c'est quelque chose qui n'est pas fait comme ça devrait l'être. Ce qui ne veut pas dire que ce soit mal. Si je tourne à droite au lieu de tourner à gauche, c'est une erreur; or cela n'a pourtant rien de critiquable en soi.

Je souris:

- Vous ne croyez pas que l'exemple est mal choisi?

Il acquiesce.

- Quoi qu'il en soit, cela n'a rien à voir avec une faute. Une faute, c'est quelque chose qui va à l'encontre d'un code personnel que l'on est tous supposés respecter, généralement un code moral.

Tristane Banon harcèle DSK pour un rendez-vous
Dominique Strauss-Kahn est un toxicomane du lieu commun. Je voudrais en savoir plus sur l'homme et tente une intrusion sur un terrain plus personnel.

- Et vous, l'erreur, vous connaissez? La première, vous vous souvenez?

- Ma première erreur dans la vie? Ce sont mille erreurs à la suite!

Jolie répartie. Pirouette d'acrobate. Ça comble le vide, mais pas le creux du contenu. Mais où est le contenu? Les réponses de Strauss-Kahn ne sont plus qu'un contenant. Il tente de jouer de son charme, voudrait que nous jouions à un autre jeu. C'est un enfant: il récite sa leçon, mais pense a la récré.

- Sérieusement.

- Sérieusement , je pense que ma première véritable erreur est de ne pas avoir choisi de faire des études scientifiques, et la dernière d'avoir accepté de répondre à vos questions! Je ne rabâche pas mes erreurs, mais il y a des erreurs qui nous poursuivent longtemps. Les ennuis que j'ai eus sur le plan judiciaire par exemple, étaient dû à une erreur de ma part: des manipulations informatiques erronées. Dans l'affaire de la Mnef, il y a eu des erreurs de date sur des factures parce que je n'avais pas fait assez attention aux détails, etc. Si j'avais regardé précisément ces factures, je n'aurais pas commis ces erreurs. Je n'ai pas vraiment fait attention, je les ai laissées partir avec une date erronée et ça a créé tout un tas de problèmes. Dans l'affaire de la cassette Méry, ma grosse erreur est de n'y avoir même pas prêté attention et, du coup, de l'avoir laissée disparaître sans même savoir de quoi il s'agissait. Je ne l'ai jamais visionnée. Pour autant, je n'ai pas pu m'en débarrasser facilement et passer à autre chose parce que ça a mis du temps à se solder. Le problème, c'est que l'erreur nous poursuit tant que toutes ses conséquences n'ont pas été épuisées. Une fois que les conséquences sont épuisées, le mieux, psychologiquement, est d'évacuer très vite. C'est en tout cas ce que je fais. En revanche, et même avec le recul, je n'ai jamais considéré que ma démission était une erreur. Bien sûr, je n'y étais pas contraint, mais c'était une question d'éthique.

Tristane Banon et Dominique Strauss-Kahn
Belle compilation de déclarations télévisées sans intérêt. Sans blague, du par coeur!

C'est qu'il veut que ça aille vite, l'ogre, il veut dévorer sa proie.

L'atmosphère devient pesante. Il enchaîne...

- A posteriori, toutes les erreurs que j'ai commises dans ma vie auraient pu être évitées. Pourtant, on fait généralement des erreurs parce qu'on a accepté, à un moment ou à un autre, de prendre des risques; et ça, c'est une bonne chose. Le tout est d'obtenir en fin de parcours un bon bilan entre la somme des réussites et la somme des erreurs. La plupart de mes réussites viennent de ce que j'ai pris des risques. Lorsqu'on est un personnage médiatique, on a souvent un ego solide; alors, soit on fonce sans trop calculer parce qu'on croit en soi, soit on calcule tout avec une prudence de sioux, ceinture de bretelles... ce qui n'empêche pas de faire autant d'erreurs que les autres! Ça dépend des tempéraments.

Mon ogre voit flou, c'est confus. Sympathique, charmant bien sûr, mais pas bien clair. Il ne voit plus que son objectif, oublie la question. Il fait sans conteste partie de la catégorie des fonceurs: droit sur l'objectif!

- Quand je fais une erreur, le regard que les autres portent dessus n'est pas prépondérant; le seul juge en la matière, c'est moi! C'est un peu sec et brutal de l'exprimer comme cela, mais c'est généralement mon seul jugement qui décide si j'ai commis une erreur ou non. D'abord, parce qu'il y a des actes que j'ai pu commettre en les considérant comme des erreurs et dont les autres ignorent tout. Ils ne risquent donc pas de considérer quoi que ce soit! Mais il arrive aussi que je considère comme des erreurs certains passages de ma vie que d'autres ne jugent pas comme tel. Lors d'émissions de télévision, par exemple: souvent mon entourage trouve que j'ai été bon à tel moment tandis que je me suis trouvé mauvais. En janvier dernier, lors de l'émission "100 minutes pour convaincre" sur France 2, je me suis trouvé trop tendu, il y avait des arguments que j'avais préparés que je n'ai pas eu le temps d'utiliser, ou qui ne me sont pas venus à l'esprit quand il l'aurait fallu. Or les retours de ma prestation ont été plutôt bons. Mais il m'arrive aussi tous les jours d'avoir l'impression d'avoir fait les choses bien et que les autres considèrent que j'ai commis une erreur! Dans ces cas-là, je ne me cherche pas vraiment d'excuses.

Fin de la première partie. Notre rencontre s'est achevée ainsi. II m'a raccompagnée à l'entrée de l'Assemblée nationale, puis il m'a demandé:

- Quand vous reverrai-je? J'ai balbutié trois banalités. Les femmes, lorsqu'elles sont à court d'arguments, sont assez pauvres en réponses percutantes.

Tristane Banon et Dominique Strauss-Kahn

Il m'a rappelée une semaine plus tard. J'avais encore des questions à lui poser. La date fut fixée pour le lendemain... Le lieu aussi: un appartement du VIIe arrondissement. Un appartement à peine meublé, sans vie, sans âme...

- Revenons à vos erreurs... La plus grande?

- Ma plus grande erreur, et qui m'a valu mes ennuis judiciaires, est d'avoir été trop confiant dans le fait que la bonne foi suffisait et que, dès lors qu'il n'y avait pas faute, l'erreur n'était pas grave. Si c'était à refaire, c'est sans doute une erreur dont je m'abstiendrais. Mais dorénavant, je suis averti: mon erreur n'a donc pas été totalement négative, j'ai appris qu'il faut faire attention à un certain nombre de choses qui paraissent mineures et qui, de fait, sont sans importance à l'arrivée, mais qui peuvent créer des perturbations majeures.

J'aurais pu faire la réponse moi-même. Je garde espoir: peut-être va-t-il m'épater par sa répartie politique...? Je tente:

- La plus grosse erreur de la gauche française, ces dernières années? 

- Ne pas oser être elle-même. Etre trop sous la pression de l'extrême gauche et du parti communiste. Ne pas oser affirmer clairement ce qu'elle pense. Quant à ce qu'elle pense, ça, ça mériterait un programme !

Tristane Banon attend Dominique Strauss-Kahn à son retour
Son regard est insistant. Je suis mal à l'aise. Une dernière question et j'en aurai terminé.

- L'expérience protège-t-elle?

- Contrairement à une idée reçue, je ne pense pas que l'on commette de moins en moins d'erreurs avec l'expérience; on en fait juste d'autres, des nouvelles. Le plus critiquable serait de refaire toujours les mêmes erreurs. De ne plus en faire, cela me paraît difficile!. J'avoue qu'il m'est arrivé de réitérer, parfois même de dissimuler mes erreurs; pour autant, je n'ai jamais regretté le contexte qui a pu m'amener à faire une erreur. L'erreur elle-même, oui... mieux aurait-il valu ne pas la faire!

Je me dis qu'il aurait mieux valu ne pas venir, effectivement. Comment m'en sortir? Il me propose un café, de se revoir. Moi, tout ce que je veux, c'est m'en aller. Je finirai par y arriver... une demi-heure plus tard, moyennant une promesse de retour que je ne tiendrai pas. Je m'en sors plutôt bien... Les erreurs ne sont pas irrémédiables !

8 commentaires:

jpb a dit…

On cherche la grosse erreur au travers des lignes, et on ne la trouve pas. Quand on veut partir, on se lève, on remercie, et on s'en va. Pas la peine de faire des promesses que l'on sait ne pas tenir.

Anonyme a dit…

1. le lecteur est pris pour l' imbécile qui n'a pas d'autonomie de penser, car le narrateur veut penser pour lui (à quel titre?). Le lecteur est manipulé.
2. la mauvaise foi déborde :
2.1 bien sûr que l'interviewé a un objectif en parlant à quelqu'un qui se dit être journaliste. Comment en serait-il autrement. Par contre, l'objectif du narrateur n'est jamais clairement dit.
2.2 Admirons "J'ai balbutié 3 banalités : Les femmes, lorsqu'elles sont à court d'arguments, sont assez pauvres en réponses percutantes" comme réponse à la question: "Quand nous reverrons-nous?"
Quelles sont été ces banalités? Pourquoi une auto-justification de la part du narrateur, puisque les banalités ne sont pas dites. La justification à la banalité, c'est le genre féminin... La narratrice le dit elle-même (entre les lignes), le dialogue est dés lors celui du registre de l'homme à la femme, càd de la séduction. L'objectif du narrateur, c'est de faire parler l'interviewé sur l'Erreur. Certes. S'il y a deuxième RV, la narratrice ne devrait-elle pas demander quel sera son objectif, au lieu de glisser sur le terrain de la séduction?
3 Le hasard et la nécessité : On nous dit par ailleurs que la narratrice est liée familialement à son interviewé. Etait-il vraiment nécessaire de harceler son interlocuteur ou celui-ci fait-il plus ou moins
preuve de condescendance familiale en acceptant le RV?
4 Le manque de respect intellectuel pour son interviewé ne lâche pas le récit du début à la fin.

Ce que l'auteur me montre : manipulation, mauvaise foi, manque de respect, misogynie (pour moi une femme ne dit pas nécessairement des banalités par nature)et acceptation de passer sur le terrain de la séduction. Alors, je ne veux mème pas savoir ce qui s'est passé au second entretien....

Anonyme a dit…

Je t'attendS
...avec un S...

Anonyme a dit…

Je t'attends; il faut un "s". Pour un écrivain, respecter l'orthographe, c'est mieux. Pour être cru, il est préférable d'être crédible

Anonyme a dit…

Donc une personne ayant eu peu d'instruction est forcément moins crédible qu'un individu instruit!!! C'est SUPER grave ce que vous insinuez!!!, mais j'ai plaisir à pensez que vous l'avez dit sans réfléchir, comme quoi l'instruction... J'ai souvent entendu dire que l’orthographe était la science des ânes...Comprenne qui peut...

Anonyme a dit…

Ce qui me choque dans ce que je lis de cet extrait, c'est qu'elle ne dit pas la même version qu'à la TV. DSK doit être effectivement un "gros lourd" dans la séduction. Mais "je suis partie avec la promesse de revenir, pour avoir la paix", je cherche encore la tentative de viol là. En tant que femme ça m'est déjà arrivé d'utiliser cette stratégie pour fuir un "gros lourd". Mais je n'ai pas vécu ça comme une tentative de viol et surtout je n'en n'ai pas été traumatisée ensuite pour autant. Si tout les gros lours étaient des violeurs il n'y aurait plus beaucoup d'hommes en liberté.

Et on ne dit pas "l'orthographe est la science des ânes", mais "la belle écriture est la science des ânes". Ce qui est logique. La maîtrise de l'orthographe est un art, mais la belle écriture bien lisible est la préoccupation première des imbéciles. Cependant on peut avoir une belle écriture et écrire sans faire de faute d'orthographe.

Anonyme a dit…

Les gens qui jouent encore aux ministères publics dans cette affaire ont-ils lu ces extraits de la "publcation" de Tristane Banon? Si tout s'est vraiment passé comme cela, n'était-elle pas entrain d'allumer DSK? Quelle idée avait-elle derrière la tête en sollicitant cette interview? L'idée venait-elle d'elle ou de quelqu'un d'autre? Se connaissait-elle déjà avec son avocat avant cette affaire? Quelles sont leurs veritables rélations ? J'ai bien peur de ne pas comprendre les intentions qu'elle avait en cherchant à tout prix à rencontrer DSK car ce n'est pas une manière saine de se comporter avec le papa d'une amie ou encore avec l'amant de sa maman. Pourquoi ne raconte-t-elle pas à la télé comment les choses se sont déroulées ? les motivations qui étaient siennes au moment de ces entretiens ? C'est à ne rien comprendre tout ça.

pauvre clodo a dit…

Il est évident que TB est une allumeuse, lire sa prose, et voir ses photos publiées sur le net, ou on la voit avec quatre (4) hommes, dont deux avec les mains sur ses seins, un autre qui regarde, et un quatrième qui prend le cliché, qui peut dire le contraire?
Maintenant, être "allumeuse n'est pas une tare en soit, ça dépend avec qui.
Là est le danger, car avoir cette tendance n'est pas sans risques!