jeudi 16 juin 2011

Sujets et corrigés du bac de philo 2011

Les sujets du bac de philosophie 2011

Dès 8h00 ce matin, 480 000 candidats ont planché sur ces sujets. *Premières impressions, premiers commentaires...


Sujets de Philosophie du Bac 2011 : Série Littéraire
Sujet 1 : "Peut-on prouver une hypothèse scientifique ?"  
Sujet difficile mais abordable je pense, qui demandait de maîtriser le cours sur la démonstration, il fallait s'y connaître en syllogisme et en expérimentation.
Sujet 2 : "L'homme est-il condamné à se faire des illusions sur lui-même ?" 
Sujet qui demandait de maîtriser le cours sur la conscience et l'inconscient, il suffisait de se demander lequel des deux est porteur de vérité.
Première partie : la conscience = soi = identité profonde de l'individu, reflet de ses réflexions et sentiments perso; la conscience = première des vérités : COGITO cartésien ....;
Deuxième partie: attention comment la duplicité est-elle possible? Comment être dans l'illusion à travers une faculté ( la conscience) qui est censée être transparente? FREUD : l'inconscient agit en sourdine, et serait la vérité de notre identité, la conscience deviendrait le lieu du mensonge et de la censure (rôle du surmoi);
Troisième partie : savoir que l'on est capable de duplicité : c'est déjà ne plus être dans l'illusion, (sauf cas pathologique). 
Sujet 3 : un extrait du Gai Savoir de Nietzsche à commenter  
Texte difficile, non pas tant dans les mots, que dans le sens, beaucoup d'ironie, de dénonciations.
Extrait :
« Nous disons bonnes les vertus d’un homme, non pas à cause des résultats qu’elles peuvent avoir pour lui, mais à cause des résultats qu’elles peuvent avoir pour nous et pour la société : dans l’éloge de la vertu on n’a jamais été bien « désintéressé », on n’a jamais été bien « altruiste » ! On aurait remarqué, sans cela, que les vertus (comme l’application, l’obéissance, la chasteté, la piété, la justice) sont généralement nuisibles à celui qui les possède, parce que ce sont des instincts qui règnent en lui trop violemment, trop avidement, et ne veulent à aucun prix se laisser contrebalancer raisonnablement par les autres. Quand on possède une vertu, une vraie vertu, une vertu complète (non une petite tendance à l’avoir), on est victime de cette vertu ! Et c’est précisément pourquoi le voisin en fait la louange ! On loue l’homme zélé bien que son zèle gâte sa vue, qu’il use la spontanéité et la fraîcheur de son esprit : on vante, on plaint le jeune homme qui s’est « tué à la tâche » parce qu’on pense : « Pour l’ensemble social, perdre la meilleure unité n’est encore qu’un petit sacrifice ! Il est fâcheux que ce sacrifice soit nécessaire ! Mais il serait bien plus fâcheux que l’individu pensât différemment, qu’il attachât plus d’importance à se conserver et à se développer qu’à travailler au service de tous ! » On ne plaint donc pas ce jeune homme à cause de lui-même, mais parce que sa mort a fait perdre à la société un instrument soumis, sans égards pour lui-même, bref un « brave homme », comme on dit. »
Epreuves de Philosophie du Bac : Série Scientifique
Sujet 1 : "La culture peut-elle dénaturer l'homme ?"
Sujet difficile, qui eût mieux convenu à des TL ou ES ( FREUD, Malaise dans la civilisation, s'y prêtait à merveille). En gros, la question qui venait spontanément : chasser le culturel, le naturel revient-il au galop? Que reste-t-il de la nature humaine dans la civilisation? La vie en société exige-t-elle de renoncer à nos instincts, nos basses pulsions? Jusqu'à quel point y parvient-elle? Voilà en gros les questions qu'un lycéen était en droit de se poser face à un tel sujet.
Sujet 2 : "Peut-on avoir raison contre les faits ?"
Sujet difficile aussi! il fallait définir avant tout "les faits"! 2 possibilités : fait établi dans une société (gouvernement, religion, moeurs, croyances...) mais pas spécialement prouvé, démontré, et la 2eme définition : les faits comme des choses certaines même si elles doivent passer par la vérification, l'expérimentation. Dans la première définition, on comprend pourquoi il est facile de contrer ces faits (Galilée "et pourtant elle tourne), dans la 2e définition, il fallait comprendre que l'on pouvait contrer les faits sous certaines conditions, auxquelles la science doit répondre; enfin dans une 3e partie, il fallait dire que c'est peut-être le propre de la science de contrer les faits, par l'usage de la raison. 
Sujet 3 : un extrait des Pensées de Pascal à commenter
Texte facile (passé la difficulté de la première phrase) bien découpé en 3  parties, l'explication linéaire s'appliquait bien ici.  Première partie : problème de la vérité dans l'entourage des puissants : toute vérité est-elle facile à entendre et à dire? 2eme partie : extension du problème à la nature humaine (pas seulement chez les puissants) : vie humaine n'est qu'une illusion perpetuelle. 3e partie : les faux-semblants : déguisement/ mensonge/ hypocrisie
Extrait
« Chaque degré de bonne fortune qui nous élève dans le monde nous éloigne davantage de la vérité, parce qu’on appréhende plus de blesser ceux dont l’affection est plus utile et l’aversion plus dangereuse. Un prince sera la fable de toute l’Europe, et lui seul n’en saura rien. Je ne m’en étonne pas : dire la vérité est utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu’ils se font haïr. Or, ceux qui vivent avec les princes aiment mieux leurs intérêts que celui du prince qu’ils servent ; et ainsi, ils n’ont garde de lui procurer un avantage en se nuisant à eux-mêmes.
Ce malheur est sans doute plus grand et plus ordinaire dans les plus grandes fortunes ; mais les moindres n’en sont pas exemptes, parce qu’il y a toujours quelque intérêt à se faire aimer des hommes. Ainsi la vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle ; on ne fait que s’entre-tromper et s’entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. L’union qui est entre les hommes n’est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d’amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu’il n’y est pas, quoiqu’il en parle alors sincèrement et sans passion.
L’homme n’est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soimême et à l’égard des autres. Il ne veut donc pas qu’on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son coeur. » 
Épreuves de Philosophie du Bac 2011 : Série Economique et Sociale

Sujet 1 : "La liberté est-elle menacée par l'égalité ?
Sujet très difficile et très technique Le sujet  invitait à une réflexion sur le rôle et la conception de l'Etat, sur ses finalités: la seule protection de l'indépendance privée peut-elle être la finalité suffisante de l'Etat? S'il prend l'égalité pour fin, peut-il en même temps garantir la liberté, où ne prend-t-il pas le risque d'atteindre aux libertés fondamentales? A quelles conditions, enfin, le rapport de l'égalité et de la liberté peut-il cesser d'être un rapport antagoniste?  
Sujet 2 : "L'art est-il moins nécessaire que la science ?" 
Le moyen-terme (le levier) était le terme nécessaire: ce dont on ne peut se passer! ce qui ne peut ne pas être!  Autrement dit, il s'agissait d'interroger les conditions d'utilité ou d'inutilité de l'art par rapport à la science.Il s'agit ici de s'interroger sur le statut de l'art dans l'ensemble des activités humaines, sa place et son importance. La question apparaît d'emblée polémique et semble volontairement provocatrice : peut-on se passer de l'art, autrement dit, l'art est-il réellement indispensable ? 
Sujet 3 : un extrait des Bienfaits de Sénèque à commenter   
Texte facile à lire. Il fallait aller chercher dans le cours sur la morale, et particulièrement sur la gratuité du don de soi, de la morale déjà Kantienne chez Sénèque qui est indépendante de nos intérêts particuliers.
Extrait
« Si c’est l’intérêt et un vil calcul qui me rendent généreux, si je ne suis jamais serviable que pour obtenir en échange un service, je ne ferai pas de bien à celui qui part pour des pays situés sous d’autres cieux, éloignés du mien, qui s’absente pour toujours ; je ne donnerai pas à celui dont la santé est compromise au point qu’il ne lui reste aucun espoir de guérison ; je ne donnerai pas, si moi-même je sens décliner mes forces, car je n’ai plus le temps de rentrer dans mes avances. Et pourtant (ceci pour te prouver que la bienfaisance est une pratique désirable en soi) l’étranger qui tout à l’heure s’en est venu atterrir dans notre port et qui doit tout de suite repartir reçoit notre assistance ; à l’inconnu qui a fait naufrage nous donnons, pour qu’il soit rapatrié, un navire tout équipé. Il part, connaissant à peine l’auteur de son salut ; comme il ne doit jamais plus revenir à portée de nos regards il transfère sa dette aux dieux mêmes et il leur demande dans sa prière de reconnaître à sa place notre bienfait ; en attendant nous trouvons du charme au sentiment d’avoir fait un peu de bien dont nous ne recueillerons pas le fruit. Et lorsque nous sommes arrivés au terme de la vie, que nous réglons nos dispositions testamentaires, n’est-il pas vrai que nous répartissons des bienfaits dont il ne nous reviendra aucun profit ? Combien d’heures l’on y passe ! Que de temps on discute, seul avec soi-même, pour savoir combien donner et à qui ! Qu’importe, en vérité, de savoir à qui l’on veut donner puisqu’il ne nous en reviendra rien en aucun cas ? Pourtant, jamais nous ne donnons plus méticuleusement ; jamais nos choix ne sont soumis à un contrôle plus rigoureux qu’à l’heure où, l’intérêt n’existant plus, seule l’idée du bien se dresse devant notre regard. » 
* Mr MORIN, Professeur de Philosophie aux lycées Don Bosco à Mayenne, et Saint-Michel à Château-Gontier.

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