Nafissatou Diallo se confie à Newsweek et ABC News
Elle a maintenant un visage et une voix. Nafissatou Diallo, la femme de ménage du Sofitel de Manhattan qui accuse Dominique Strauss-Khan de l'avoir agressée sexuellement, le 14 mai dernier, dans la suite 2806 de l'hôtel, a raconté son histoire au magazine Newsweek, qui la publie en exclusivité dans ses éditions de lundi et sur son site internet. La jeune femme doit aussi apparaître lundi dans l'émission «Good Morning America» de la chaîne de télévision ABC.
L'interview exclusive de Nafissatou Diallo publiée dans le Newsweek, disponible dans les kiosques lundi matin. |
«Newsweek» précise qu'elle a pleuré plusieurs fois durant l'interview, des larmes qui semblaient parfois forcées. Aux questions sur son passé, l'Afrique, son père, son défunt mari, elle a parfois opposé des réponses vagues. Avant de s'animer au moment d'évoquer l'agression. Nafissatou est alors formelle : elle n'entre dans la suite 2806 pour la nettoyer que lorsque l'employé chargé du room-service en ressort avec un plateau, lui assurant qu'elle est vide. Elle s'annonce à voix haute depuis l'entrée, en regardant dans la chambre : «Hello ? housekeeping». Elle se trouve soudain face à un homme aux cheveux blancs, entièrement nu.
«Je suis désolée», «Vous n'avez pas à l'être»
«Mon Dieu, je suis désolée», dit-elle. «Vous n'avez pas à l'être», répond-il. Il m'avait l'air fou, dit-elle aujourd'hui, expliquant qu'il lui a empoigné les seins, en claquant la porte. «Vous êtes belle», dit-il, luttant avec elle à travers la pièce. «Monsieur, arrêtez tout de suite, je n'ai pas envie de perder mon travail», aurait-elle répondu. Elle explique à Newsweek avoir été entrainée sur le lit, s'être détournée au moment où il tentait de la forcer une première fois à une fellation. Elle le repousse, se relève, le menace d'appeler son supérieur. Elle se réfugie vers la salle de bains, sa jupe d'uniforme déboutonnée.
L'homme qu'elle décrit comme Dominique Strauss-Kahn lui baisse la jupe, la blesse en déchirant ses collants, laissant une marque qui sera encore visible quelques heures plus tard à l'hôpital. Il l'oblige à s'agenouiller, dos au mur, lui empoigne violemment la tête à deux mains et la force à nouveau à une fellation. Elle le décrit gémissant, explique qu'elle a recraché son sperme sur le sol avant de s'enfuir en courant, effrayée, sans se retourner. Elle se cache dans le couloir, tente de retrouver ses esprits et voit l'homme du 2806 sortir vers l'ascenseur. Le tout a duré moins de quinze minutes.
Une version corroborée par les cartes d'accès et le dossier médical
Photo de Nafissatou Diallo et la journaliste Robin Roberts lors de l'interview télévisée exclusive pour ABC News diffusée mardi 26 juillet à 23:35 dans l'émission "Nightline" sur ABC. |
Après l'hôpital, elle est ramenée à l'hôtel pour détailler aux policiers les circonstances de l'agression. Elle n'est raccompagnée chez elle qu'à 3 heures du matin. Le matin, en voyant les bulletins d'information, elle dit avoir pris peur en réalisant qui est DSK. Sa fille la rassure. L'après-midi, elle est appelée au commissariat pour la séance d'identification et désigne le «numéro 3». Elle passe les semaines suivantes dans un hôtel, avec sa fille, sans communiquer avec l'extérieur.
«Son but est d'enflammer l'opinion publique»
Entre-temps, au lendemain de l'incident, elle a reçu un appel d'Amara Tarawally, un Sierra Leonais, neveu d'un de ses anciens employeurs, qui a eu la mauvaise idée d'acheter pour 40.000 dollars de marijuana à... des policiers infiltrés. Il est en prison en Arizona lorsque lui et Nafissatou se parlent au téléphonent. Ils s'expriment dans son dialecte à elle. Une phrase en particulier entamera la crédibilité de la femme de ménage aux yeux du procureur. Un doute existe, selon Newsweek, sur la transcription de leurs propos versée dans un premier temps au dossier.
Nafissatou Diallo déclare avoir accordé cette interview pour corriger le portrait tendancieux fait d'elle dans les médias. Elle assure n'avoir jamais changé de version quant à ce que cet homme lui a fait subir. «A cause de lui on me traite de prostituée, déclare-t-elle aux journalistes de l'hebdomadaire. Je veux qu'il aille en prison. Je veux qu'il sache qu'il y a des endroits où on ne peut pas utiliser son pouvoir, où on ne peut pas utiliser son argent». Elle se dit prête à reprendre le travail à l'hôtel, mais pas au contact des clients, plutôt dans un service tel que la lingerie.
Les avocats de Dominique Strauss-Kahn ont aussitôt réagi à la publication de cette interview en s'en prenant aux défenseurs de l'accusatrice. «Ce comportement de la part d'avocats est non-professionnel et viole les règles fondamentales du comportement professionnel des avocats, ont-ils affirmé dans un communiqué. Le but évident de ce comportement est d'enflammer l'opinion publique contre un accusé dans une affaire criminelle en cours». Dans une semaine exactement, le 1er août, DSK, inculpé de sept chefs d'accusation, doit de nouveau comparaître devant le tribunal de New York.
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